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Caroline Thanh Hương
« Je vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus inouïe, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus éclatante… Devinez-la. Je vous la donne en trois, je vous la donne en quatre, je vous la donne en six, je vous la donne en cent… » De quoi s’agit-il donc ? Non plus du mariage de la Grande Mademoiselle raconté avec des soupirs de cantatrice par Mme de Sévigné. Mais, en 2017, d’un prodige aussi inattendu auquel plus personne ne croyait : la France est de retour !
Une foule éparse attend le discours inaugural de Donald Trump comme 45e président des Etats-Unis le 20 janvier 2017.
Donald Trump attend avant son discours à Washington, le 20 janvier 2017.
L'ancien président des Etats-Unis Barack Obama, en vacances, s'initie au Kite-Surf dans les Iles Vierges.
Après
cinq ans de règne de Hollande Ier, on s’était résigné : le paquebot
France était condamné à marcher à la rame. L’Elysée prenait les dossiers d’une
main molle comme un gant, les observait et les reposait découragé d’avance.
Trois fois par an, le président passait à la télévision, déployait ses
illusions et ses promesses comme un éventail, puis retournait dans son palais
où il attendait le miracle. On aurait dit qu’à peine élu il s’était mis sur
« pause ». Surtout ne pas abîmer le cadeau merveilleux qu’était ce quinquennat
tombé du ciel de Manhattan. Ses vœux pieux atteignaient les dimensions d’un
trou noir, mais qu’y faire ? Notre heure était passée. Et puis le miracle a eu
lieu : l’élection présidentielle.
Un enfant joue dans les ruines de Mossoul le 19 mars 2017.
Personne
n’aurait parié sur le résultat. Début janvier, les jeux étaient faits. François
Fillon se faisait déjà offrir les costumes de son prochain rôle : président de
la République. Malheureusement pour lui, le « Canard » veillait. Fin janvier,
Penelope s’est invitée dans la campagne à son corps défendant. Depuis trente
ans, cette épouse discrète aurait touché divers salaires alors qu’elle avait
toujours répété ne pas travailler. La justice s’en est mêlée et son mari a
inventé le principe de la faute fictive qu’on n’a pas commise mais pour
laquelle on demande pardon. Mauvaise pioche : il s’est retrouvé sur le banc de
touche. Tout comme les autres revenants. Jean-Luc Mélenchon, ceinture noire de communication
et d’excommunication, qui insulte les journalistes, les députés, les passants
et même les pauvres Vénézuéliens abattus par la police. Benoît Hamon qui, après
avoir banni François Hollande et Manuel Valls du PS, en a aussi chassé les
électeurs. Même Marine Le Pen s’est éteinte comme une bougie qui s’étiole.
La France
qui n’en pouvait plus du « système » a élu l’enfant chéri du sérail, le premier
de la classe couvert de diplômes, le protégé de Jacques Attali et d’Alain Minc,
le surdoué de chez Rothschild qui avait traité d’analphabètes les ouvrières de
Gad. J’ai nommé Emmanuel Macron. Et là, divine surprise, on a découvert que,
oui, on peut encore réformer la France. En moins de temps qu’il n’en faut pour
dire « modèle social, modèle social ! », Macron a envoyé promener les vaches
sacrées. Le Code du travail, la sélection à l’université, l’audiovisuel public,
l’accueil des réfugiés, l’impôt sur la fortune… Tous les dossiers qu’on
triturait du bout des pincettes ont été jetés sur la table. Plus question de se
faire des nœuds à la tête, on allait agir. Le nouveau président se proclame
« jupitérien ». En clair : il décide, il ordonne, il tranche. C’est Versailles
en 1680. Le jour de son sacre, au soir du second tour, il a d’ailleurs mis son
triomphe en scène au Louvre. Le président, c’est lui. Il est au pouvoir pour
gouverner, pas pour ménager les uns, caresser les autres et, d’un coup de
balayette magique, glisser les dossiers sous le tapis.
Tout le
monde veut croire en Macron
La France se
réveille. Sous le choc, elle semble presque groggy. Les syndicats observent,
ébahis, leurs tabous tomber à l’eau. L’opposition de droite est en morceaux,
celle de gauche a disparu. Restent l’extrême gauche et l’extrême droite, qui
entament le même refrain : « C’est le président des riches. » Marine
Le Pen a eu une formule excellente, la seule dans toute l’année : « Je
suis la candidate du pouvoir d’achat, vous êtes celui du pouvoir d’acheter. »
Jean-Luc Mélenchon, lui, en a deux cents. Ses discours ressemblent à un manteau
d’arlequin aux couleurs du marxisme, du castrisme, de la Commune et du
ressentiment. Un véritable opéra conceptuel, plus distrayant qu’inquiétant.
Qu’importe, les mois passent et nos voisins s’enthousiasment. La France n’est plus
l’homme malade de l’Europe. Son chômage bat des records, ses déficits aussi,
tout comme sa dette. Rien n’a changé, sauf tout : l’humeur est à l’optimisme.
Tout le monde veut croire en Macron.
Il n’a pas
encore de résultats mais il a mieux : un style. A Ouagadougou, il met le public
de la fac dans sa poche par sa franchise et sa décontraction. A Riyad, il tire
une épine du pied du nouveau prince en exfiltrant Saad Hariri. A Bruxelles, il
étourdit les eurocrates en leur redessinant une magnifique Europe à deux ou
trois vitesses. Ailleurs, il vend des Rafale et décroche des contrats. C’est
magique : il ne promet rien, ne donne pas de leçons, écoule ses stocks et cède
à fond à la realpolitik. La vieille France prêchi-prêcha, championne de morale
à l’étranger, endosse une nouvelle panoplie. Plus vif qu’une paire de claques,
son chef de l’Etat offre au monde un goût de Kennedy, un nuage de Trudeau, une
once de VGE, une grosse dose de sourires et un réalisme à faire sauter l’émail
des dents. Avec, à son bras, pour mettre une touche de romanesque dans cette
épopée d’énarque béni des dieux, une arme fatale : Brigitte.
Elle est
dans ses nouveaux habits comme un poisson dans l’eau. Avec les écrivains, les
veuves, les grands blessés, les présidents étrangers ou les pandas, elle trouve
toujours le moyen de mettre du velouté sur la présidence. Près d’elle le 14
Juillet, Melania Trump avait l’air raide comme un soldat de plomb. Un sourire
jusqu’aux cheveux, légère comme l’alouette, sans s’immiscer dans les grandes
affaires ni faire la roue, sage comme un arbre mais séduisante comme les
fleurs, Brigitte donne des couleurs tendres à un quinquennat de technocrates
affûtés comme des couteaux. Plus qu’utile, elle est irremplaçable. Avec elle à
ses côtés, le jeune président éclipse ses rivaux. L’actualité, cela dit, aide
leur couple. Les deux monuments de l’époque vacillent.
Même Angela
Merkel bat de l’aile. Calme, patiente, indifférente, Mutti avait l’air inscrite
dans le paysage pour l’éternité. Il fallait des litres de café pour ne pas
s’endormir quand elle ouvrait la bouche mais tout allait pour le mieux en
Allemagne. « Madame Tout-le-Monde » tirait les bonnes vieilles ficelles et sans
projets, sans feuille de route, sans rêves et sans vision, elle accumulait les
années de présence. Au point qu’elle n’a plus jugé bon d’écouter son propre
peuple, a ouvert en grand les vannes de l’immigration et, au passage, les
portes du Parlement à l’extrême droite. Depuis, elle négocie son maintien au
pouvoir à sa manière, regardant les alliés approcher puis s’éloigner sans
qu’elle régisse et s’empare des rênes de la négociation. Quelque chose est
cassé à Berlin. Il y a longtemps que le potage manquait de sel mais, à présent,
on s’en rend compte et on s’ennuie. Un spleen qui ne menace pas Washington.
Trump est plus allumé qu’un sapin de Noël. Avec lui, la presse et l’opinion
sont au spectacle 365 jours par an.
Le manque
de tact de Donald Trump est un don naturel
Personne ne
l’attendait à la Maison-Blanche. On pensait que l’habit faisant le moine, il se
plierait aux règles. La haute administration le mettrait en veilleuse. Mission
impossible : les bons conseils lui passent entre les oreilles comme les rayons
du soleil traversent une vitre sans laisser de trace. Son manque de tact est un
don naturel dont il use et abuse. Remonté comme des bretelles, il appelle le
chef de l’Etat nord-coréen « Rocket Man » à l’Onu, met le feu sans raison à
Jérusalem, soutient chez lui sans état d’âme des causes indéfendables, insulte
des sénateurs, fait valser ses ministres, calomnie des vétérans… Quand il ne
regarde pas la télévision cinq heures par jour, il twitte plus vite que son
ombre et se jette sur mille sujets indignes de sa fonction. Il peut bien
affirmer qu’il a un QI à trois chiffres, il y a longtemps qu’il ne les a plus
époussetés. Son ego se dresse comme les Rocheuses entre lui et le reste du
monde. Pire que tout : il sort l’Amérique du protocole de Paris et de la Cop21.
La maison Terre brûle et il détourne le regard. Sa dernière force vient de ses
adversaires, aussi exaspérants que lui. A chaque fois qu’il craque une
allumette, l’intelligentsia « côte est » entend gronder un volcan, fait
semblant de s’émouvoir et pousse des cris d’orfraie. Résultat : ces tollés
surjoués maintiennent le lien entre Trump et ses électeurs, les white trashes
et les red necks de l’Amérique profonde qui se tapent sur l’épaule chaque fois
qu’une princesse de Manhattan a ses vapeurs. En 1905, sous le regard espiègle
de Proust, la duchesse de Guermantes disait entre deux gorgées de Veuve
Clicquot : « La Chine m’inquiète. » Aujourd’hui, c’est Donald Trump qui affole
le monde. L’an dernier, on riait de ses cheveux étalés sur le crâne plutôt que
plantés. A présent, on tremble à l’idée qu’il lance une bombe atomique sur la
Corée du Nord et froisse Kim Jong-un, le gélatineux despote local qui a exécuté
son oncle au canon antichar et s’offre un ou deux essais nucléaires par an. Une
seule chose à faire : croiser les doigts.
Tout, cela
dit, ne tourne pas mal. Le califat d’Abou Bakr Al-Baghdadi n’a pas passé
l’année. La Russie aidant Bachar El-Assad, la Turquie et les Américains
soutenant l’Armée syrienne libre, les Kurdes nettoyant leurs territoires et les
Français larguant quelques bombes, Daech a été liquidé. Au prix fort. Mossoul
et Raqqa sont rayés de la carte, des millions de Syriens arpentent les routes,
le pays est moribond, Bachar et sa clique font toujours la loi mais l’Etat
islamique est mort. Du moins en apparence. Après en avoir fait liquider autant
que possible sur le terrain, la France attend maintenant le retour des jeunes
gens partis combattre sur « la terre de Cham » ! Combien sont-ils ? Mystère.
Que pensent-ils ? Mystère. Que va-t-on faire d’eux ? Mystère. Et de leurs
femmes et enfants ? Toujours mystère. Daech est mort mais l’islamisme fait
toujours peur et, de « Charlie Hebdo » aux réseaux sociaux, bons et mauvais
esprits soufflent sur les braises. L’Etat, lui, annonce qu’il va serrer la vis
de l’immigration. Eternelle promesse et polémique garantie. Mais garantie
ennuyeuse, car on connaît déjà tous les arguments à force de les entendre
depuis trente ans.
Rien à voir
avec la grande hystérie de l’année ! Je ne parle pas du débat sur l’écriture
inclusive, initiative originale pour rendre illisibles les textes et sur
laquelle défenseur-e-s et détracteur-rice-s se sont écharpé-e-s à l’automne.
Là, les invectives restaient dans le registre habituel de la comédie française
pour « intellectuels » enchantés d’attirer l’attention par un éditorial dans
« Le Monde ».
Non, je
parle de l’affaire Harvey Weinstein et de ses répercussions. On connaissait de
longue date ce pacha hollywoodien, le mogul de Miramax, le grand manipulateur
des Oscars, l’homme aux vingt trophées. Le ventre rond comme un jambon, la
barbe grise comme un paillasson, le cheveu rare comme le lithium. Avec ça, un
ego gros comme Pluton et l’entrain d’un jeune premier beau comme Crésus. Des
rumeurs circulaient sur lui depuis la nuit des temps mais glissaient comme
l’eau sur la toile cirée. Jusqu’à la parution d’un article de Ronan Farrow, le
fils de Woody Allen, dans le « New Yorker ». Et là, soudain, c’est l’avalanche.
Rose McGowan, la star de « Scream », Uma Thurman, Eva Green, une foule d’autres
parlent. En un rien de temps, Weinstein se retrouve enseveli sous des gravats de
révélations. Juliette Binoche, Léa Seydoux, Marion Cotillard s’en mêlent.
L’acte d’accusation est long comme le Nil. Mais attention : une fois le
couvercle soulevé, impossible de refermer la boîte. Weinstein démissionne et
perd tous ses titres mais, après lui, l’onde de choc rattrape Ben Affleck,
Dustin Hoffman, Charlie Sheen, Kevin Spacey. Puis des journalistes et des
hommes politiques. Des sorties de films ont beau être annulées et des
présentateurs vedettes licenciés, le feu parcourt toujours la brousse. Au point
que les étincelles franchissent l’Atlantique et atteignent la France. Où,
grande première, le pays qui n’a pas condamné DSK à Lille et qui continue
d’offrir des couvertures de magazines à Bertrand Cantat s’enflamme à son tour.
Le hashtag « Balance ton porc » devint viral.
On avait
tous quelque chose de Johnny
Des
centaines de femmes rapportent harcèlements et agressions. Un vrai carnaval de
comportements salaces, violents, odieux. C’est accablant mais, comme toujours à
Paris, la tragédie tourne aussi à la tragi-comédie. Si quelques jolies femmes
se froissent de n’avoir personne à dénoncer, Twitter se transforme vite en
tribunal populaire et appelle à la délation. La chasse aux femmes tourne à la
chasse à l’homme. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les
femmes et les hommes, entre en scène. L’heure n’est plus à la rigolade, comme
lorsqu’elle publiait des romans érotiques sous le pseudonyme de Marie Minelli
ou expliquait, dans « Maman travaille », comment frauder la Sécurité sociale en
se faisant prescrire des arrêts maladie artificiels. Sèche comme une facture,
elle tire sur la laisse de tous ceux qui se laissent aller. Elle avait déjà
convoqué Cyril Hanouna pour de mauvaises blagues sur les homosexuels. Cette
fois, elle fait régler son compte à Tex, un animateur télé qui, depuis vingt
ans, a présenté cinq mille fois « Les Z’amours » et fait mille astuces vaseuses
pour le plus grand plaisir de ses spectateurs. Il est licencié pour une
plaisanterie idiote sur les femmes battues.
Interdit
désormais de penser mal dans le pays de Coluche, qui faisait rire des salles
entières en disant : « Hier, j’ai violé ma voisine mais je n’ai pas porté
plainte ! » Aujourd’hui, les réseaux sociaux aiguisent sans cesse leurs
couteaux. L’humour doit marcher au pas de loi. Seuls la nuance, le pas de loup
et le mezza voce sont autorisés. Le rire tache comme la boue. Le pays fier
d’être le plus volage, le plus futile et le plus galant du monde se plie aux
règles du Vatican : « Si tu penses, tu ne parles pas ; si tu parles, tu n’écris
pas ; si tu écris, tu ne signes pas. » Facebook et consorts tétanisent
l’époque. Jusqu’au président de la République ! Aux obsèques de Johnny,
Emmanuel Macron n’a pas osé aller jusqu’au bout de son signe de croix par
crainte anticipée de l’inévitable marée de Tweets. Car 2017 n’est pas que
l’année du retour de la France, c’est aussi celle du départ de Johnny.
Photo prise à Mossoul en juillet 2017.
Simone Veil et Jean d’Ormesson avaient eu droit à des obsèques
nationales. A lui, on offre un hommage populaire. Quand sa voix sortait de sa
poitrine de lion, tous les autres chanteurs avaient l’air de fredonner. C’était
le taulier du rock en France. Pour lui dire au revoir, les fans montent de
toute la France. Un raz de marée submerge les Champs-Elysées, la Concorde, la
rue Royale et la Madeleine. Dire que l’intelligentsia, « Charlie », « Les
Guignols » et le fameux esprit Canal se sont tellement moqués de lui ! Le
peuple renvoie ces esprits supérieurs à leur morgue de petits marquis. Parce
qu’ils sont pleins de mots, ils se croyaient pleins d’esprit. Là, ils
encaissent de face la passion que fait naître un homme qui ne parlait que
d’amour et ne disait jamais de mal de personne. Johnny, c’était de Gaulle,
Tintin, Piaf, Poulidor, Zidane et l’Abbé Pierre : la France quand elle s’aime.
Des icônes qui ne font pas reculer les frontières et ne sont qu’à notre usage
personnel, mais qui pulvérisent celles des castes sociales. On avait tous
quelque chose de Johnny. Il serait tombé des nues si on lui avait annoncé
qu’autour de son cercueil des veilleurs sourcilleux classeraient ses fans par
race, par religion et par origine. Le « rebelle officiel » de la République
ignorait les calculs mesquins. C’est pour ça qu’on l’aimait. Johnny, c’est une
certaine idée de la France. Il s’en va mais elle revient. Ouf.
des
Etats-Unis le 20 janvier 2017.
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